Ce que révèle vraiment l’agenda de la Droite Républicaine ! (17/12/2025)
Sous couvert de fermeté et de bon sens, la Droite Républicaine a consacré une journée entière à des propositions de loi qui dessinent une même ligne politique : punir les plus précaires et faire de l’étranger un problème à gérer plutôt qu’un être humain à protéger. Derrière des textes techniques et des discours sécuritaires se cache une stratégie assumée de stigmatisation, d’exclusion et de durcissement social. Cette offensive législative ne répond ni aux urgences sociales ni aux défis migratoires. Elle organise, méthodiquement, l’aggravation de la précarité au nom de l’ordre.
Voici une journée parlementaire comme un révélateur. Le jeudi 22 janvier, le groupe Droite Républicaine, héritier direct des Républicains, a déroulé un chapelet de propositions qui, mises bout à bout, dessinent une vision claire de la société. Une société plus dure, plus punitive, plus méfiante. Et surtout une société où les personnes étrangères, immigrées, ou simplement perçues comme telles, deviennent des cibles politiques permanentes.
On pourrait lire cette liste comme une succession technique de textes. Ce serait une erreur. Ce qui se joue ici n’est pas un empilement neutre de lois, mais une stratégie. Une stratégie qui consiste à déplacer les peurs sociales vers les plus précaires, à transformer des difficultés réelles en boucs émissaires commodes, et à faire de l’étranger le responsable idéal de tout ce qui dysfonctionne.
Gouverner par la peur et la stigmatisation
Dès la première proposition, le ton est donné. Inscrire “la mouvance des frères musulmans” sur la liste européenne des organisations terroristes. Derrière l’apparente fermeté sécuritaire, on retrouve un vieux procédé. Une notion floue, volontairement mal définie, qui permet des amalgames sans fin. Qui est visé exactement. Une organisation précise, des réseaux, une idéologie supposée. Ou, plus simplement, une population musulmane déjà sous suspicion permanente.
Ce genre de texte ne lutte pas contre le terrorisme. Il alimente la confusion. Il jette une ombre sur des millions de citoyens et de résidents, dont beaucoup sont immigrés ou enfants d’immigrés, en les enfermant dans une présomption idéologique. Ce n’est pas de la sécurité. C’est de la stigmatisation institutionnelle.
Et cette logique traverse l’ensemble des propositions.
Punir les pauvres au lieu de traiter les causes
La proposition visant à suspendre les droits aux prestations et aides publiques pour les personnes reconnues coupables d’exactions lors de manifestations est un autre exemple frappant. Le principe est simple. Vous avez fauté, donc vous perdez vos droits sociaux. Peu importe votre situation, vos ressources, vos charges familiales.
Ce glissement est dangereux. Les prestations sociales ne sont pas des récompenses morales. Elles existent pour garantir un minimum de dignité. En les transformant en outil de sanction, on bascule vers une société où la pauvreté devient une peine supplémentaire.
Pour les immigrés, souvent surreprésentés dans les emplois précaires, dans les logements instables, dans les dispositifs d’aide, l’impact est immédiat. Une amende, une condamnation, parfois mineure, et c’est l’effondrement. Plus de filet. Plus de protection. Juste la chute.
La proposition permettant la saisie des amendes impayées directement sur les minimas sociaux va dans le même sens. Elle repose sur un discours de responsabilité individuelle, séduisant en apparence. Mais comment parler de responsabilité quand on retire à des personnes déjà en grande difficulté les moyens de subsister. Comment payer une amende quand on vit avec quelques centaines d’euros par mois.
Ce n’est pas de la justice. C’est de l’acharnement social.
Le corps des femmes comme terrain politique
L’interdiction du voilement des mineures dans l’espace public est présentée comme une mesure de protection. En réalité, c’est une nouvelle intrusion dans la vie des familles, et une nouvelle obsession pour le corps des jeunes filles musulmanes.
On prétend les libérer en les contrôlant davantage. On dit vouloir les protéger, mais on les expose à plus de discriminations, plus de contrôles policiers, plus de regards suspicieux. On transforme un choix vestimentaire, souvent complexe et pluriel, en marqueur de déviance.
Ce texte ne donne aucun moyen supplémentaire aux jeunes filles en difficulté réelle. Il ne finance ni l’éducation, ni l’accompagnement social, ni la protection contre les violences. Il se contente d’interdire, de sanctionner, de désigner.
Là encore, les premières concernées sont des familles immigrées, déjà sous pression constante, sommées de se justifier en permanence de leur manière de vivre.
Travailler plus, protéger moins
Certaines propositions semblent éloignées de la question migratoire. Autoriser le travail le 1er mai. Débloquer exceptionnellement la participation et l’intéressement. Encadrer le droit de grève dans les transports.
Mais le lien existe. Car ce sont souvent les travailleurs immigrés qui occupent les postes les plus contraignants, les horaires les plus pénibles, les métiers essentiels mais invisibles. Leur demander de travailler les jours fériés, de voir leurs droits syndicaux restreints, sans garanties solides, revient à accentuer une exploitation déjà bien installée.
Quand on affaiblit le droit du travail, ce sont toujours les plus fragiles qui paient le prix. Ceux qui ont le moins de marges pour dire non.
L’État fort contre les faibles
La présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre s’inscrit dans un climat bien connu. Celui où la parole policière est systématiquement survalorisée, et celle des victimes minorées. Dans les quartiers populaires, où vivent de nombreux immigrés ou descendants d’immigrés, ce type de mesure est perçu comme un feu vert implicite.
Un feu vert à l’impunité. Un feu vert à des pratiques déjà dénoncées par de nombreuses associations et instances internationales. Renforcer la protection juridique des forces de l’ordre sans renforcer en parallèle les mécanismes de contrôle et de transparence, c’est rompre un équilibre déjà fragile.
La conséquence est simple. Moins de confiance. Plus de peur. Plus de distance entre l’État et une partie de la population.
Chasser les plus vulnérables des dispositifs d’urgence
La proposition visant à interdire le maintien dans l’hébergement d’urgence aux immigrés dits illégaux est sans doute l’une des plus brutales. Elle touche au cœur de ce que devrait être une société digne.
L’hébergement d’urgence n’est pas un privilège. C’est une réponse minimale à la détresse humaine. Refuser un toit à quelqu’un en raison de son statut administratif, c’est accepter qu’il dorme dehors, qu’il tombe malade, qu’il disparaisse des radars.
C’est aussi une absurdité pratique. La précarité extrême ne facilite ni les démarches administratives, ni les régularisations, ni même les retours. Elle ne produit que de la souffrance, et souvent des coûts supplémentaires pour la collectivité.
Mais le message politique est clair. Faire de la misère un outil de dissuasion. Espérer que la peur du froid, de la rue, de l’abandon fasse le travail que la politique migratoire est incapable d’assumer autrement.
Une cohérence idéologique assumée
Pris séparément, ces textes peuvent être défendus, nuancés, amendés. Pris ensemble, ils racontent autre chose. Une vision où l’ordre prime sur la solidarité. Où la sanction remplace l’accompagnement. Où l’étranger devient le problème central, même quand il n’est pas directement nommé.
Cette stratégie n’est pas nouvelle. Elle repose sur un calcul électoral. Parler à l’émotion plutôt qu’à la raison. Désigner des responsables simples à des problèmes complexes. Faire croire qu’en durcissant la vie des plus précaires, on améliorera celle des autres.
C’est faux. Historiquement faux. Socialement faux. Moralement dangereux.
Refuser la résignation
Critiquer ces propositions, ce n’est pas nier les défis réels. La sécurité, la cohésion sociale, la gestion des migrations sont des sujets sérieux. Mais ils ne seront jamais résolus par l’exclusion, la stigmatisation et la précarisation.
Ce dont nous avons besoin, c’est de politiques publiques qui renforcent l’accès aux droits, qui sécurisent les parcours de vie, qui investissent dans l’éducation, le logement, la santé. Pas de lois qui empilent les sanctions et réduisent l’humanité à une variable d’ajustement.
Le débat démocratique mérite mieux que cette fuite en avant. Et surtout, les personnes immigrées, qu’elles soient en situation régulière ou non, méritent mieux que d’être utilisées comme un levier politique.
Il est temps de le dire clairement. Une société qui s’acharne sur les plus fragiles ne devient pas plus forte. Elle devient plus injuste. Et à long terme, plus instable.
Refuser ces textes, les contester, les déconstruire, ce n’est pas de l’angélisme. C’est un acte de lucidité. Et un choix politique assumé.
source : Réunion du mardi 16 décembre 2025 - Assemblée nationale
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